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Le legs des communautés religieuses en enseignement

2020-01-06
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Texte tiré de la revue Ensemble

Hiver 2019-2020
 

Sur toute l’histoire de l‘enseignement en province, seulement une soixantaine d’années se sont déroulées sous le signe de la laïcité. Les communautés religieuses qui ont contribué à éduquer la jeunesse québécoise ont été mises de côté, tout comme beaucoup de méthodes d’enseignement qu’elles ont mis des années à parfaire. Il serait bien de se questionner à savoir si le Québec est novateur en enseignement ou s’il a simplement oublié le legs de ceux qui avaient la vocation autant pour la vie religieuse que pour l’éducation.

Nous sommes nouvellement enseignantes au primaire et préscolaire. Fraîchement sorties des bancs d’école de l’Université de Sherbrooke, nous inversons les rôles et c’est à notre tour d’avoir la craie en main.

En quatre ans de baccalauréat, maintes fois nous avons entendu les mêmes critiques à l’égard de l’enseignement d’autrefois. Nous avons souhaité faire la lumière sur l’impact des communautés religieuses en enseignement primaire et préscolaire au Québec.

Pour ce faire, sept communautés religieuses dans les environs de Sherbrooke, puis de Montréal ont accepté de répondre à nos questions. Plusieurs consacrées à Dieu ayant enseigné dès les années 1950-1960 nous ont dévoilé leurs expériences d’enseignement et ont partagé avec nous plusieurs anecdotes, toutes aussi intéressantes les unes que les autres !

Bon nombre de pratiques d’autrefois ont persisté malgré les diverses réformes qui se sont succédé. Nous avons constaté que plusieurs d’entre elles, présentées comme des innovations récentes, sont en fait la continuité de ce qui existait jadis. Comme quoi on n’a pas réinventé la roue.

Une question de charité !

Il n’était pas question de commérages dans les salons des enseignants au sujet des élèves ! « Je te respecte, tu me respectes », indique un religieux.

C’est ainsi que les personnes rencontrées ont toutes, dans leurs propos, accordé une importance remarquable à la bienveillance envers leurs élèves.

Pas question d’avoir de chouchou, il faut à tout prix, déclare une sœur, voir le positif de chaque être, voir en l’enfant ce qu’il a de plus beau. « Chaque enfant a au moins un don, une qualité, une force. C’est à nous de les identifier et de les mettre de l’avant ! », ajoute-t-elle.

Peut-être à cause de l’image véhiculée par la culture populaire, plusieurs demeurent avec l’impression que l’enseignement prodigué par les 

religieux était strict, sévère, voire même punitif. Notre constat est pourtant tout autre.

« Il faut régulièrement décrocher du scolaire, pour s’intéresser à l’humain, au parascolaire », indique une religieuse. Une autre renchérit ainsi : « Il faut voir plein de mains ouvertes. Il faut apprendre aux autres la bienveillance et ainsi être un modèle de justice ! »

Du respect s’il vous plait !

Dans le mot « respect », il y a le mot « paix ». Bien entendu, il y avait des élèves un peu dissipés, mais cela ne semblait pas être comparable à ce que l’on entend aujourd’hui.

Selon les religieuses interrogées, la société partageait bien des valeurs communes. « En sortant la religion des écoles, on a sorti bon nombre de valeurs en même temps », indique l’une d’elles.

Les parents semblaient autrefois avoir beaucoup de considération pour l’instituteur. Celui-ci avait un statut valorisé au sein de la société québécoise. « Les valeurs des parents concordaient souvent avec celles de l’enseignant et celles de la société », mentionne un frère.

Ainsi, cela facilitait grandement la cohérence au sein de l’éducation globale des jeunes.

L’instituteur, qui est-il ?

Nous nous sommes questionnées sur qui était « le bon éducateur québécois d’autrefois ». On retrouve des ressemblances, mais aussi bon nombre de différences avec notre système d’éducation actuel.

Tout d’abord, un frère mentionne que les élèves ressentent considérablement l’authenticité de l’instituteur. Il indique aussi que chaque enseignant est unique. Il a ses forces et ses faiblesses et il doit accepter d’être constamment en perpétuel apprentissage toute sa vie.

Une religieuse mentionne que les enfants nous font énormément grandir. « Le Bon Dieu nous construit tout le temps ! » déclare-t-elle. Une autre sœur ajoute qu’il faut « désirer la Volonté de Dieu » et donc « Lui faire confiance ! ».

L’honnêteté et le pardon ont également été soulevés comme étant des vertus cruciales pour les futurs enseignants et leurs propres élèves. « Par notre attitude, témoigner que Dieu est Vivant, que Son Amour est pour tous, qu’Il est proche de nous ! » annonce une religieuse. Il s’agit de vivre et enseigner avec « la justice du cœur » !

La posture du bon instituteur de l’époque exigeait d’avoir une certaine prestance. Il fallait être un modèle pour ses élèves, être empreint d’une noble rigueur, offrir un cadre de vie structuré donc rassurant, être digne de confiance et les accueillir avec le cœur grand ouvert.

« Pas question d’être comme des adolescents ou l’ami des écoliers », indique un religieux. Il s’agit d’une relation maître-élève « s’avérer proche tout en n’étant pas trop familier. […]  Il faut que d’une façon ou de l’autre […] les enfants sachent que vous êtes en contrôle même sans que ça paraisse. Qu’ils sachent que c’est vous qui donnez le ton et qu’ils imitent ça », ajoute-t-il.

Ingénieux, ces religieux !

À l’heure où Pinterest est presque devenu l’outil d’enseignement de l’heure, il est intéressant de se tourner vers ces femmes et ces hommes d’expérience qui sont une véritable mine d’or vivante !

Sept niveaux scolaires différents pour une enseignante ?

Rien de tel qu’un programme d’enseignement coopératif où les plus vieux s’enrichissent en aidant les plus jeunes et où l’enseignement par projet est bien exploité !

Des problèmes de diction chez quelques élèves ?

Scandons des textes ! Il s’agit d’une pratique très peu à la mode de nos jours, mais qui aurait avantage à revenir. Surtout, si on considère la faiblesse de la communication orale des enfants au primaire de nos jours, de même que leur peur bleue des exposés oraux !

Certains enfants sont dissipés ?

Donnons-leur des responsabilités : l’école n’est plus tenue exclusivement par le corps enseignant puisque chaque être humain y vivant huit heures par jour, cinq jours par semaine, doit contribuer au mieux-vivre collectif.

Une classe ennuyée, aucun entrain perceptible ?

Eh bien, chantons ! La musique est un incontournable des divers milieux scolaires.

« C’est ainsi que certains religieux ont découvert de véritables petits prodiges ! » rappelle une religieuse. C’est prouvé, la musique présente tant de bienfaits, alors que ce soit pendant l’enseignement de la catéchèse ou le cours de français, le chant avait sa place bien à lui !

Matière à réflexion

Alors que le manque d’enseignants de tous niveaux se fait actuellement sentir en sol québécois et que la gent masculine au sein des équipes-écoles est une espèce en voie d’extinction, que s’est-il passé au fil des années ?

En allant à la rencontre de ces gens, nous avons été sensibilisées à une réalité malheureusement peu reconnue aujourd’hui. Nous croyons que la richesse de l’enseignement prodigué par les religieux pourrait fournir une aide précieuse aux enseignants d’aujourd’hui et de demain.

Certaines techniques développées auparavant pourraient sûrement encore trouver écho dans les classes d’aujourd’hui.

Andréa Lauzon

Élissa Makardich

Jeunes enseignantes au primaire

Photos: Centre d'archives Mgr-Antoine-Racine- SPA259.001, SPD355.063 et SPA3124.001

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